"Eduquons, c'est une insulte ?!", disait un excellent slogan de la chaîne La Cinquième il y a quelques années.
Instruire ! Après avoir placé le verbe "Produire" au centre de la campagne (et s'être fait faucher allègrement ses idées par le PS comme l'UMP, ce qui a au moins le mérite de prouver qu'elles sont sensées), j'attendais depuis longtemps que François Bayrou lance le combat pour l'Education, pour l'Instruction, pour la Culture. C'est fait, et à la perfection, avec un programme développé, ambitieux et réaliste. Programmes à refondre et à alléger, revalorisation de l'image des enseignants à qui "il faut lâcher les basques" et pour qui la "carotte financière" n'a que peu d'importance, minimum exigible à l'entrée au collège, éclairage des priorités essentielles, etc., un discours enthousiasmant qui touche au coeur.
A mes collègues qui semblent pour beaucoup avoir laissé de côté leurs "illusions politiques", dont beaucoup avouent qu'ils vont "voter par défaut", qui semblent penser que notre avenir est déjà écrit en haut lieu (et pas à notre avantage), il est essentiel qu'ils réalisent qu'un de nos candidats pense à eux, non pas pour de simples visées électorales mais dans un but pédagogique et humaniste, de manière sincère et engagée, pour mettre en avant des orientations qui ne peuvent que tirer notre profession (et notre pays) vers le haut.
Rappelons à ceux qui raillent parfois gentiment mes positions politiques, que ce n'est pas parce que je soutiens François Bayrou que je défends ses idées, d'une manière aveugle et inconditionnelle, mais parce que ses idées sont justes et positives que je le soutiens, et ce "forum Instruire" en est la meilleure preuve.
Le discours prononcé par François Bayrou. pour l'éducation est visible dans son intégralité sur son site. Un discours responsable où l'on sent l'expertise de celui qui fut prof de lettres, et dont je cautionne la mesure qu'il a lancée comme une gageure, sa propédeutique relookée, celle de créer un bac d'excellence où la littérature ne serait plus la subordonnée mais l'égale de la Reine Mathématique, dans notre pays où les sciences constituent depuis trop longtemps la voie royale au lycée au détriment des lettres. Un discours réaliste et réalisable, plein d'espoirs et d'optimisme mais dénué de fausses promesses et de mirages aveuglants. Le discours d'un homme qui a une vision pour l'avenir de notre pays et qui connaît le chemin qui y mène.
Ci-dessous, les passages, très nombreux, que j'ai sélectionnés et qui m'ont marqué.
Forum « Instruire », 4 février 2012, Maison de la Chimie, Paris Discours de clôture de François BAYROU
Nous voulons installer le verbe « instruire » dans notre pays, c'est-à-dire transmettre des connaissances, éduquer, former, nous voulons que le verbe instruire soit le deuxième verbe majeur de cette campagne électorale. Ce qui est en jeu, ce n'est pas seulement l'économie, ce n'est pas seulement la capacité du pays, ce qui est en jeu, c'est l'épanouissement de chacun, non seulement l'épanouissement de l'esprit, mais l'épanouissement de tout l'être et de tous les êtres.
Je suis pour la diffusion de la culture générale pour que chaque élève dispose, dans le monde complexe qui est le nôtre, de la boussole nécessaire pour se retrouver dans la prolifération des informations et former son propre jugement. Je suis pour qu’il sache se repérer dans le temps et dans l'esprit, dans sa langue et dans ses langages, dans le langage des chiffres et du calcul de la réflexion mathématique aussi bien que dans sa langue maternelle et dans les langues étrangères. Je suis, par exemple, puisque c'est l'actualité, déterminé à rétablir l'enseignement de l'histoire en Terminale scientifique autrement que comme une option...
Je ne suis pas pour une école qui abaisse son niveau d'exigence. Je suis pour une école qui hausse son niveau d'exigence et qui met ainsi au service de ceux à qui leur milieu social ne peut pas apporter le bagage culturel nécessaire la compréhension du monde et ouvre à la reconnaissance. Rendre l'école à elle-même, c'est d'abord lui rendre le respect qu'on lui doit. Je suis pour une société qui s'affirme solidaire avec ses enseignants et non pas qui instruit perpétuellement le procès de ses enseignants. Le procès qui a été nourri ces dernières années contre eux, incessamment, par les gouvernements de gauche d'abord, de droite ensuite est, pour moi, un pur scandale moral. Ceux qui les mettent en accusation, qui disent qu'ils ne travaillent pas assez, ceux-là ne tiendraient pas deux heures en face d'une classe de collège et même quelquefois d'écoles élémentaires ! Ceux qui tiennent ces propos n'ont aucune idée de la somme de travail que représente la préparation, les corrections, les travaux divers et variés et d'abord administratifs que représentent en réalité 20 heures ou 17 heures de cours effectifs au collège ou au lycée. Je ne vois pas comment on peut, expérience faite, pour une heure d'enseignement effectif, consacrer moins d'une heure à la préparation et à la correction de toutes les copies que ces heures génèrent. À quoi il convient d'ajouter les conseils de classe, parfois de discipline, la participation aux activités et aux réunions, les charges administratives, livrets et bulletins divers et l'effort de culture et de mise à jour de toutes les connaissances nécessaires pour enseigner de manière valide, de sorte qu'il est juste et nécessaire, même contre l'opinion excitée par des démagogues, de rappeler que les enseignants travaillent sauf exception, eux, beaucoup plus de 35 heures par semaine. Les chiffres du ministère de l'Éducation nationale, qui n'est pourtant pas, le plus indulgent sur ces sujets, eux-mêmes le disent. On ne mesure pas le temps de travail d'un journaliste -et heureusement- à son temps de présence à la salle de rédaction ? On ne mesure pas le temps de travail d'un comédien à son temps de présence sur scène ni le temps de travail d'un sportif aux heures sur le terrain ni le temps de travail d'un universitaire à sa présence dans l'amphithéâtre ?! Je dis qu'il est bon qu'un enseignant, qui est allé à l'école toute sa vie, puisse en plus en même temps rencontrer le monde, les livres, l'univers Internet, puisse enrichir hors les murs ce qu'il apportera à l'intérieur des murs de l'établissement. Enseigner, contrairement à ce que la mode voudrait nous faire croire, à droite et à gauche, n'est pas un travail assujetti à la pointeuse. C'est un travail d'enquête, d'enrichissement et de transmission.
La France a des résultats très inquiétants : on recule en compréhension de l'écrit, on recule en mathématiques, on recule en sciences. On est presque le dernier des pays de l'OCDE en inégalités scolaires. L'investissement dans l'école, dans la formation, dans l'éducation, dans la recherche, c'est aussi le meilleur investissement pour la nation. C'est pourquoi je veux prendre devant vous un engagement, pour les cinq années à venir : je garantirai le maintien des moyens existants et cette garantie des moyens, remplacements poste pour poste en cas de départ à la retraite, ce sera un grand effort pour la nation, mais c'est un effort nécessaire, c'est le meilleur investissement que nous puissions faire.
La question du moral de l'école, la question de l'organisation, la question de l'équilibre des programmes, la question des savoir-faire devant la classe, la question des conditions de travail, la question de la démarche à suivre pour transmettre, la question de l'analyse et de la transmission des démarches pédagogiques innovantes ou traditionnelles qui sont consacrées par leurs résultats devant la classe, la question de la reconnaissance de l'enseignement, pas seulement par la nation, mais par les élèves et leurs parents, la question de la vocation, toutes ces questions sont au moins aussi cruciales que la question des moyens. À ces questions, on peut apporter des réponses, donc ce sont ces questions-là que j'entends que l'on traite dans les années à venir au moins autant que la question des moyens et, symétriquement, je fixerai des objectifs de progrès pour notre Éducation nationale, des progrès vérifiables par tous et qui nous rendront la maîtrise de l'avenir et de la fierté de l'école française.
Permettez-moi d'ajouter ceci qui améliorerait nos conditions de travail et cela sera aussi peut-être discuté par quelques-uns : je crois qu'il y a trop d'heures de cours dans la semaine moyenne du plus grand nombre des élèves. Je vous dis ma certitude, ce n'est pas par l'accumulation des heures de cours que se construit le savoir chez l'élève.
Ce que je crois le plus profondément, c'est qu'il n'est d'apprentissage qu'actif et que le "copier-coller" est de nul effet, ne sédimente pas un savoir, de même que le calcul conduit avec les innombrables modèles de calculettes fait certes gagner du temps, mais je crois, vous connaissez mes obsessions, que le calcul mental est le seul qui vous offre l'autonomie, les ordres de grandeur, le jugement.
Je pense que la plupart des réformes sont perturbation. Je pense qu'il faut "lâcher les basques aux enseignants". Je pense qu'il faut en finir avec les réformes à perpétuité qui déstabilisent l'institution et qui troublent ceux qui la servent. Il y a dans tout cela de nombreuses démagogies, mais il est une idéologie dangereuse. Je désapprouve l'idée que ce soit par l'intérêt financier, par les primes, par la carotte financière, que l'on doive obtenir le comportement que l'on souhaite des enseignants. Ils ne comprennent pas, ceux qui sont des obsédés de la prime et sans doute aussi de la sanction financière, qu'il est d'autres valeurs, d'autres raisons de vivre que l'argent et que, précisément, ces raisons de vivre, c'est à l'école qu'on les transmet. Ils ne comprennent pas qu'un enseignant n'est pas le concurrent d'un autre enseignant et n'a aucune envie de le devenir. Ils ne comprennent pas que l'enseignement, ce n'est pas la société de concurrence, ce n'est pas la compétition seulement et c'est même probablement le contraire. Ce n'est pas, à mes yeux, la compétition perpétuelle entre élèves. C'est une dérive et je la désapprouve. Ce n'est pas la compétition perpétuelle entre enseignants sanctionnés par des récompenses ou, au contraire, des pénalités financières. Cela, c'est une vision du monde, matérialiste et intéressée qui est tout autre et antagoniste avec la vision du monde. C'est cette vision du monde que l'on essaie de nous imposer depuis de trop longues années. L'enseignement, c'est tout autre chose. L'enseignement, cela prend du temps, ce n'est pas une obéissance. C'est un service réalisé en conscience.
Bien sûr, il est légitime qu'il y ait des instructions générales et des programmes, mais les programmes gagneraient beaucoup à être simplifiés, allégés, suffisamment brefs pour que l'on puisse les approfondir et pas les effleurer comme on est obligé de le faire à la course. Pensez que le programme d'histoire en première exige que l'on traite de la guerre au XXème siècle en 16 ou 17 heures. Je dis que ceux qui écrivent ces programmes n'ont probablement pas, depuis longtemps, mis les pieds dans une classe pour savoir exactement comment on peut avancer !
Je me dois, pour avancer dans mes convictions en matière pédagogique, d’aborder un grand débat qui traverse depuis des années, même des décennies, le monde de l'éducation et plus encore l'univers de ceux qui se passionnent pour l'éducation. Il y a une grande guerre idéologique entre ceux qui plaident que l'enseignement valide repose sur des contenus solides et maîtrisés et ceux qui affirment que l'enseignement valide, c'est celui qui épanouit la personnalité. Et bien, de toute ma vie d'élève, d'étudiant, de professeur, de père de famille, de père d'enseignant et d'admirateur de professeurs, je n'ai cessé d'avoir une certitude et c'est celle-ci : l'enseignement valide, c'est celui qui unit des connaissances solides avec une générosité chaleureuse que l'élève sent, que l'étudiant sent et qui leur permet de s'épanouir ! Voilà ma doctrine pédagogique ! Connaissances solides et épanouissement de la personnalité, l’un n'est pas contradictoire avec l'autre. L'un est l'appui de l'autre et même l'un sans l'autre, c'est l'échec assuré. Voilà ma première certitude pédagogique.
Je veux vous en dire une deuxième : ce qui fait la différence, c'est le maître, c'est "l'effet maître" comme l'on dit maintenant, qui permet à certaines classes d'avancer plus vite et mieux que d'autres, quel que soit le niveau social et culturel des élèves qui forment cette classe. C'est dans l'expérience, le savoir-faire, l'humanité, la générosité des maîtres, que se situe, dans le premier degré comme dans le second degré, le gisement de progrès de l'éducation, spécialement en France. En tout cas c'est ce gisement-là, la compétence des maîtres, l'expérience des maîtres que je veux mettre en exploitation, en repérant, en étudiant, en répandant la stratégie pédagogique suivie dans les classes plus nombreuses qu'on ne le croit qui réussissent mieux que les autres. Cela est ma philosophie du progrès de l'école.
Troisième certitude : la clef première de la réussite de l'égalité des chances à l'école comme dans la vie, c'est la langue. La langue, c'est l'émotion, la pensée, l'empathie, l'influence, c'est le pouvoir, l'analyse, parfois c'est le rire. La langue, c'est le nécessaire et presque le suffisant. C'est l'accès à la langue qui efface les frontières sociales et culturelles et c'est l'inégal accès à la langue qui au contraire forme frontière et ferme frontière. La langue doit donc être au sens propre la priorité puisqu'elle donne accès en même temps à l'univers des connaissances et à la force de la création. Et il y a d'autres novations, mouvements. Je suis persuadé que l'école française souffre, non pas de la notation comme le croient certains, mais de n'exposer l'élève et donc sa famille qu'à une notation simplement négative. Je suis persuadé que la valorisation méthodique des aptitudes des élèves, des qualités des élèves, même et surtout de celles, parmi leurs qualités, qui ne correspondent pas aux attentes classiques, les signaler au moins autant que leur insuffisance, cela serait pour eux, en tout cas pour beaucoup de ceux que j'ai rencontrés, d'une grande efficacité. Je suis persuadé que la mise en confiance de l'élève et non sa mise en défiance est une arme de progrès et un moyen pour faire progresser les classes dont vous avez la charge.
Je veux maintenant vous dire mes orientations. Elles seront au nombre de trente.
1ère orientation : il faut un contrat de progrès entre l'école et la nation. Ce contrat doit garantir les moyens existants et en même temps préciser les objectifs que la nation assigne à l'école. Le progrès que nous nous assignons doit être vérifiable par tous, c'est pourquoi je fixe un objectif que, dans les cinq ans, l'école française entre, j'aurais dû écrire rentre, dans les dix premiers du classement international pour la compréhension de l'écrit, le calcul, les connaissances scientifique et la lutte contre les disparités sociales.
2ème orientation : au lieu d'être dans la "réformite" perpétuelle, il faut un plan de progrès continu, inscrit dans le long terme pour vraiment changer les choses. Il faut cesser d'aller de fausses réformes en fausses réformes qui ne changent rien sur le fond mais déstabilisent perpétuellement l'Éducation nationale et, en même temps, le moral, la confiance professionnelle des enseignants et des parents.
3ème orientation : il faut refaire de l'école, j'allais dire à tout prix, un lieu d'où la violence est exclue et où le respect est la règle entre élèves et enseignants, à l'égard des enseignants et dans la cour de récréation.
4ème orientation : il faut restaurer la confiance de la nation dans ses enseignants. Au contraire de tous ceux qui se présentent à cette élection, je ne suis pas favorable à ce que l'on remette en cause le décret qui définit le statut des enseignants. La définition du temps de travail est légitime. Il peut être réaménagé sur la base du volontariat, on peut faciliter, si on le souhaite, une présence plus importante dans l'établissement par exemple en construisant des bureaux, mais les procès perpétuels contre les enseignants sur le temps de travail doivent cesser.
5ème orientation : les concours de recrutements nationaux sont la voie la plus républicaine et la plus légitime pour sélectionner les enseignants du second degré.
6ème orientation : la reconstruction d'une année de formation en alternance avec exercice dans la classe et transmission de l'expérience d'autres enseignants est impérative.
7ème orientation : la notation pédagogique des enseignants doit être assurée par des évaluateurs (corps d'inspection ou autres), expérimentés, de la même qualification au moins, de la même discipline que celui qui est ainsi évalué et non par le chef d'établissement étranger à la discipline enseignée.
8ème orientation : arrêter avec les surcharges administratives, la multiplication des réunions, l'avalanche des livrets de compétences. À l'école comme dans tous les autres secteurs d'activité, la surcharge paperassière étouffe, asphyxie et ne sert à rien.
9ème orientation : d'abord les bases et les bases d'abord. Il n'est aucune chance de réussite pour un élève qui n'a pas la maîtrise des fondamentaux. Je proposerai que, tant que cela est nécessaire, 50 % du temps scolaire à l'école primaire soit consacré à la maîtrise de l'écrit et à la langue française en sa beauté à découvrir, en ce qu'elle peut exprimer de nuances, de richesses, en son vocabulaire. C'est un bagage pour la vie. 50 % du temps scolaire consacré à la langue française à l'école primaire.
10ème orientation : les principales difficultés des élèves très jeunes sont psychoaffectives. Elles ne sont pas, pour la plupart du temps d'ordre pédagogique ou de l'ordre des capacités, comme on le dit. Les repérer tôt par une formation et un réseau adapté, c'est donner une chance de les résoudre soit au sein de l'école soit par l'intervention, plus souvent encore, de pédopsychiatres. Je trouve que ce repérage précoce des difficultés souvent affectives des élèves est un service à leur rendre et probablement la stratégie la plus efficace contre l'échec scolaire.
11ème orientation : le premier lieu de l'éducation c'est la famille : favoriser la mise en place - je n'ai pas trouvé de meilleur nom - d'écoles de parents associatives pour aider ceux qui ont des difficultés à accompagner leur enfant, me paraît là une vraie aide, une vraie assistance aussi aux enseignants.
12ème orientation : la question des méthodes pédagogiques doit être tranchée non pas par l'idéologie mais par l'évaluation des résultats.
13ème orientation : aucun élève ne doit entrer au collège sans qu’il soit garanti qu'il maîtrise la lecture et l'écriture. S'il est en défaut, une pédagogie adaptée doit lui permettre de reconstruire son rapport à l'écrit car le but n'est pas d'exclure, mais d'intégrer les élèves qui autrement seront perdus tout au long de leur scolarité.
14ème orientation : pour prévenir ces échecs, il faut penser le nombre d'élèves par classe en fonction, non pas de normes, mais de la réalité de la classe. À classe difficile petit nombre d'élèves, à classe équilibrée et de bon niveau, plus grand nombre d'élèves.
15ème orientation : le collège doit être diversifié. Il est normal et juste que la nation veuille garantir un bagage à tous les enfants, mais ce bagage de connaissances et de méthodes ne peut être apporté dans l'uniformité. Pour un certain nombre d'élèves en situation de rejet de l'école un « collège hors les murs » avec des pédagogies adaptées doit permettre une reconstruction et le retour, s'il le souhaite, à la voie classique.
16ème orientation : dans chaque discipline le "apprendre à apprendre" et le retour assidu aux bases doivent servir de socle. Les programmes doivent être écrits avec les enseignants en imposant la faisabilité sans précipitation et la simplicité de leur énoncé.
17ème orientation : informer les élèves sur ce qu'ils ne maîtrisent pas, par exemple, les codes de comportement, d'habillement, de langage, sur les codes de la société dans laquelle ils vivent.
18ème orientation : les rythmes scolaires doivent être reconstruits. Il n'est pas normal que l'école française soit celle qui concentre le plus d'heures de cours sur le moins de jours de classe. Les horaires des élèves, devoirs compris, ne devraient pas dépasser une charge horaire d'une trentaine d’heures par semaine, ce qui veut dire presque autant que leurs parents. Ceci signifie évidemment un allégement des horaires pour un grand nombre d'élèves. Les heures ainsi gagnées seront utiles aux enseignants pour le travail en commun, et aux établissements pour des programmes au choix qu'ils pourront élaborer.
19ème orientation : les devoirs doivent être faits dans le cadre de l'établissement sous la surveillance de tuteurs, d'enseignants de l'établissement s'ils le souhaitent, d'enseignants à la retraite ou le plus souvent d'étudiants qui recevront une bourse pour se familiariser ainsi avec l'enseignement et servir de grands frères scolaires, de tuteurs ou d'appuis aux élèves plus jeunes.
20ème orientation : donner aux chefs d'établissement des possibilités nouvelles par exemple recrutement direct des remplaçants, gestion des volumes d'heures pour organiser des soutiens individualisés ou en petit groupe.
21 et 22ème orientations : L'enseignement professionnel doit reposer non pas sur l'élimination mais sur la vocation par la découverte des métiers, par l'alternance ou l'apprentissage. Et donc information sur les métiers tout au long du collège, découverte des entreprises et des chantiers pour que les élèves découvrent ce que sont ces activités dont ils entendent parler, mais qu'ils n'ont jamais rencontrées.
23ème orientation : il faut un plan de développement de l'apprentissage et de l'alternance. Il faut que nous élucidions cette question : qu'est-ce qui bloque pour les entreprises ? Qu'est-ce qui bloque du côté de l'éducation ? Qu'est-ce qui bloque dans la destination de la taxe d'apprentissage ?
24ème orientation que je risque, avec prudence, avec réserve, à pas de loup et à voix basse : nous souffrons d'une double pénurie de scientifiques et de littéraires et cette double pénurie constatée dans tous les amphithéâtres est à mon sens dommageable pour la nation. Je pense qu'il faut que nous réfléchissions à l'organisation des baccalauréats et j'avance l'idée, je risque l'idée d'une réflexion sur une nouvelle voie du baccalauréat qui sera un baccalauréat d'excellence générale à la fois littéraire et scientifique.
25ème orientation : refonder l'articulation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur. Je suis certain que c'est une clé pour lutter en particulier contre l'échec des premiers cycles à l'université parce que ce que les élèves ne savent pas, c'est que l'université, c'est une connaissance que l'on se construit soi-même autant qu’on la reçoit. C'est la recherche dès les premières années, c'est un exercice d'autonomie.
26ème orientation : L'orientation, c'est une ardente obligation. On doit y préparer tout au long de l'enseignement secondaire et à l'entrée à l'université et, pour l'entrée à l'université, je propose que cette orientation soit nourrie par une information objective sur les sorties d'études dans la formation que l'on envisage de suivre, que l'on dise aux étudiants à l'entrée : Voilà ce qui vous attend à la sortie, car ils l'ignorent dans un grand nombre de cas et cela provoque des catastrophes.
27ème orientation : elle concerne les enfants handicapés dans leur scolarisation. Des progrès ont été faits, mais des obstacles demeurent. Beaucoup d'enseignants se sentent démunis face au handicap. Je propose que l'on aborde cette question franchement dans le cadre de la Conférence nationale sur le handicap. Enfants handicapés dans leur scolarisation, cela mérite une réflexion et un soutien nouveau de la nation.
28ème orientation : il faut un grand plan Santé. Les élèves français sont les plus frappés d'Europe par les addictions au cannabis, à l'alcool, par un certain nombre de comportements à risques. Je pense qu'une mobilisation notamment avec les étudiants en médecine, dans tous les établissements scolaires dans l'enseignement secondaire sera bienvenue et urgente pour lutter contre ces addictions.
29ème orientation : deux réflexions générales pour finir. La première : réflexion générale sur l'éducation numérique. Je pense que l'Internet est un gisement de progrès considérable. En même temps, je veux dire qu'il n'y a pas d'éducation qui soit déshumanisée, il n'y a pas d'éducation qui soit entièrement dématérialisée et que les ressources de ce que l'on appelle le e-learning sont, pour l'avenir, en même temps un immense enrichissement des possibilités de formation et de découverte, et un univers qu'il nous faut apprendre et que les jeunes, les élèves et les étudiants doivent apprendre. Je propose aussi une réflexion générale sur la coopération entre l'enseignement numérique et l'enseignement classique traditionnel dans les classes.
Enfin, 30ème orientation : je pense qu'il faut ouvrir les établissements scolaires en dehors des heures de cours à la demande d'éducation de la société. Une école du soir « à la demande » avec une contribution modeste des apprenants doit être ouverte dans tous les établissements du second degré. L'initiative viendra de la demande de ceux qui veulent apprendre quelque chose.
Voilà les trente orientations que je voulais défendre devant vous. Elles sont concrètes, elles sont pratiques, elles reposent sur une vision de l'éducation, c'est-à-dire une vision du civisme, de la République et de la société humaniste que nous voulons construire. Merci à vous tous.