Citoyen depuis la Boulangerie jusqu'au Café
Les Elections Européennes approchant, vais-je me lancer dans une série d'articles militants pour défendre bec et ongles les valeurs prônées par "mon MoDem" ? Bof, non, d'autres le font de manière plus intéressante, motivée et compétente que moi, qui continue d'observer tout ce jeu politique depuis la marge, doutant régulièrement de ce que je peux apporter au mouvement et de la place que je pourrais y trouver, mais continuant malgré tout d'y participer à ma façon.
Mercredi dernier, 25 avril, j'ai croisé Nicolas Lacombe, "premier magistrat de Nérac", à ma boulangerie préférée. Contact simple et affable, comme d'habitude. Il a remarqué que je me fais rare sur mon blog, qu'il consulte de temps à autre, j'en ai profité pour lui indiquer qu'il serait peut-être bon qu'il rédige lui aussi un jour prochain un vrai petit texte de fond spécialement pour sa propre page internet, et cela me semble encore plus important depuis ce matin.
Je me fais rare, oui, c'est vrai, sans doute parce que, dans la vie comme ici, je n'aime pas m'exprimer sur tout et n'importe quoi, que je considère qu'il n'est pas forcément utile de "remplir le silence" sur tel et tel sujet au cours d'une conversation, politique ou pas, que je ne m'estime "spécialiste" que sur peu de thèmes (et sur quels thèmes politiques, je l'ignore...) Le silence semble effrayer la majorité des gens, et je ne trouve pourtant rien d'aussi insupportable "en société" que d'entendre des chapelets de banalités débitées sur des sujets d'actualité. Les gens ont des avis sur tout et sur rien... Malheureusement dans notre société, le silence et la réserve ne sont pas véritablement classés au rang des vraies vertus ni des qualités estimables mais plutôt des faiblesses de caractère.
M. Dionis sait parfaitement combler le vide et la peur du silence, lui. Ce matin, ou plutôt ce midi, il avait organisé un "Café Citoyen" dans un bar néracais, le Gambetta (choix stratégique par rapport au choix du nom ??). Ma matinée étant libre, je m'y suis rendu, avec un peu de retard (mais moins que lui, qui s'est fait attendre plus d'une demi-heure), ce qui m'a valu de ne pas pouvoir me faire discret en m'asseyant sur une des chaises placées autour d'une série de tables disposées en U. Il a donc fallu que je me résolve à choisir une chaise installée au beau milieu, cerné de toutes parts par ce U façon tribunal. Certes, j'avais opté pour le 3e rang, espérant m'abriter derrière une mini muraille de têtes, mais au fil des minutes, les chaises devant moi se sont envolées pour rejoindre le fond de la salle, puis une rangée de quatre personnes assises devant s'est évanouie soudainement et, pour couronner le tout, à son arrivée Jean Dionis a demandé aux "gens à l'intérieur du U" de se rapprocher. Moi qui voulais écouter tout ça tranquillement, je me retrouvais donc en face à face avec Dionis...
Je n'avais jusque là jamais assisté à un "Café Citoyen", et j'avoue que le concept ne me remplissait pas d'un enthousiasme effréné non plus. Que tirer d'enrichissant d'un échange de questions-réponses, comment sortir des débats ping pong Droite / Gauche ? Je me rendrai peut-être une autre fois à un Café du même style organisé par les membres du bureau du MoDem, pour pouvoir comparer, mais il me semble qu'un café "citoyen" devrait a priori s'adresser à n'importe quel quidam, sans étiquette politique. Or, ici, et les bannières Nouveau Centre appuyaient incontestablement cette sensation (ainsi qu'un "historique" de ce mouvement UMP-Canada Dry - amateurs de pubs, recherchez le slogan de cette boisson...), le "Café Citoyen" ressemblait en fait à une sorte de mini-meeting politique décontracté (on se commande des boissons, on s'appelle par son prénom, on se connaît tous plus ou moins, on bouffe même ensemble à la fin...)
Il est souvent reproché à Sarkozy de ne pas être le "Président de tous les Français", et les récentes mesures du CSA sur le temps de parole sont venues confirmer cela. Ici, même chose : M. Dionis est censé être le "Député de tous les citoyens d'Agen / Nérac", mais l'ensemble de son discours a consisté à descendre en flèche la nouvelle municipalité de Nérac : au mieux, il qualifie ses représentants de "gentils" ou "responsables" et "accueillants", au pire d'incompétents notoires qui font des "bêtises dignes du CP". Au moins, c'était clair, et la présence en force des UMPistes néracais le confirmait, il n'était pas là pour apporter des fleurs à Nicolas Lacombe (il est pourtant arrivé avec un gros bouquet de roses et quelques baluchons de courses sans doute glanées au marché du samedi matin - un mystère qui continue de me fasciner, ça, le coup des marchés qui séduisent tant les hommes politiques !)
Que faut-il pour devenir un homme politique respecté ? Apparemment, entre autres, ouvrir sa gueule et parler (peu importe comment, mais bon, il faut parler, c'est la règle). Et puis, bon, quelques cheveux blancs sont de bon aloi également. Or, le maire de Nérac est jeune (et donc inexpérimenté, etc. : heureusement que Dionis a fait mine de se marrer à propos de quelques clichés balancés sur les profs et autres professions pour tomber dans de pareils sentiers battus...) Et surtout, malheur, il ne parle apparemment pas sur tout et n'importe quoi. Or, tout le monde semble attendre qu'il parle (raisonnement, si j'ai bien suivi : si un autre membre de son équipe est plus volubile que lui, hop, c'est celui qui parle le plus qui devient maire à sa place...)
Quoi qu'il en soit, avec cette règle du jeu, effectivement Dionis n'a pas de souci à se faire, il restera bel et bien maire d'Agen. La "discussion" a d'abord débuté par trois longues réponses sur ces sujets : l'emplacement de la future gare SNCF (une Arlésienne lot-et-garonnaise, si j'ai bien saisi) ; l'emplacement d'une autre sortie autoroutière (pour qui, pour quoi, j'avoue que cela me dépasse : tout le monde parait souhaiter avoir sa sortie d'autoroute dans son petit bled et espérer que les automobilistes se précipiteront comme des forcenés dans les commerces du coin pour consommer à tire-larigot) dans le 47 ; la future nouvelle Zone Economique du Lot-et-Garonne.
Je n'avais pas véritablement l'intention d'intervenir, mais bon, une question s'imposant, j'ai levé timidement la main, profitant d'un moment de flottement. Placé au fond de la salle, j'aurais été peinard, j'aurais levé la main, personne ne l'aurait vue et on serait passé au sujet suivant. Là, l'invisibilité étant plus délicate, M. Dionis ne pouvait que me remarquer et a donc lancé un "Donnons la parole aux jeunes !" (Effectivement, au regard des membres de l'assemblée, je faisais encore office de bébé en couche-culotte, mais bon, je tiens quand même à signaler que ça fait déjà 37 ans que je "fais jeune" !)
J'ai donc demandé quelle était la place du Développement Durable au beau milieu des trois projets dont il avait été question et dont la logique me paraissait appartenir à une époque révolue où l'on ne raisonnait qu'en termes de croissance. La croissance, des routes, la croissance, des bagnoles, la croissance, des entreprises, la croissance, la croissance, la croissance... M Chazzalon est intervenu et a posé une question à laquelle il voulait répondre lui-même mais à laquelle j'ai pu apporter ma propre modeste contribution. Il souhaitait savoir ce que j'entendais par "développement durable". Définition orlandesque du moment : alliance d'une croissance raisonnée au souci du bien-être humain et du respect écologique de la planète. Tout le monde a semblé convenir que n'importe quel projet économique doit désormais intégrer dès le départ des préoccupations "durables", mais qu'en est-il réellement ? Bref, je suis peut-être passé pour le "petit jeune hippie new age tendance naïf", mais bon, au moins, j'ai tenté de sortir de mon silence. On ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir parlé...