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Roland Kermarec - Espoirs Démocrates
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Roland Kermarec - Espoirs Démocrates
5 mai 2012

To leave the ballot blank

Le jeudi 3 mai, au lendemain du débat télévisé qui opposait Hollande et Sarkozy, débat que je n'ai d'ailleurs pas tenu à regarder, François Bayrou a exprimé sa position pour le second tour des Présidentielles. Je ne le cacherai pas, dans mon for intérieur, à l'issue de cette déclaration, un certain désarroi m'a envahi. Et j'ai essayé, j'essaye de comprendre, point par point.


 

 

Quelques jours auparavant, très rapidement après le scrutin du premier tour, François Bayrou a taclé sévèrement Nicolas Sarkozy sur les dérives extrêmistes de sa politique, et je ne peux évidemment qu'approuver ces condamnations sans appel, très dangereuses pour notre pays, pour l'unité dont nous avons besoin : monter les citoyens les uns contre les autres, attiser les peurs, faire la course derrière le Front National pour finir parfois par le dépasser sur certains sujets est évidemment inadmissible, et l'idée de voter pour Nicolas Sarkozy ne m'a jamais effleuré, ni de près ni de loin. Après tout, avant de voter pour un candidat depuis quelques années, j'ai bien longtemps voté contre un parti, le FN. Je soutiens donc pleinement cette déclaration de François Bayrou : "La ligne qu’a ainsi choisie Nicolas Sarkozy entre les deux tours est violente, elle entre en contradiction avec les valeurs qui sont les nôtres, pas seulement les miennes, pas seulement celles du courant politique que je représente, mais aussi les valeurs du gaullisme, autant que celles de la droite républicaine et sociale." Sarkozy out, j'approuve, oui, sans la moindre ambiguïté, et c'est d'ailleurs cette raison déjà qui m'avait poussé à voter pour Ségolène Royal en 2007 quand, dans le même temps, François Bayrou votait blanc.

 

Dans un second temps, François Bayrou a déclaré "Reste le vote pour François Hollande. C’est le choix que je fais." Je note tout d'abord que cette prise de position est courageuse. Courageuse parce que, en dépit de certains fortiches qui prétendent toujours avoir tout deviné avant les autres, elle est relativement inattendue et marque une certaine rupture avec la manière dont le Centre a vécu jusque là. Courageuse parce que François B. a estimé qu'il fallait marquer ainsi son rejet des antivaleurs de Sarkozy. Courageuse parce que, une fois de plus, il choisit sans doute la voie la plus difficile qui soit.

 

Prise de position courageuse, par conséquent, oui. Mais dangereuse aussi, à mon sens. Rapidement hélas, dans l'opinion publique, dans beaucoup de textes et de commentaires publiés sur Internet, chez certains médias, son discours s'est résumé à cela : son vote en faveur d'Hollande. Les railleries, les sarcasmes, les insultes n'ont cessé de pleuvoir alors, et les termes de soutien ou de ralliement sont souvent évoqués. Simplification habituelle des propos, résumés fallacieux, puisque c'est oublier cette portion essentielle du discours tenu :

"J’ai dit ce que je pensais [du] programme économique [de François Hollande]. Je ne partage pas ce programme : je pense que ce programme est inadapté à la situation du pays et encore plus à la crise qui vient, que j’ai annoncée, et que je crois certaine. [...] Je ne suis pas et ne deviendrai pas un homme de gauche. Je suis un homme du centre et j’entends le rester.

Et je suis certain que le jour venu, il faudra aussi qu’une partie de la droite républicaine soit associée à ce qu’il va falloir faire pour que la France s’en sorte. Par mon choix, je rends possible pour la première fois depuis longtemps cette union nationale, la vraie mobilisation des Français au service de la France. Il appartiendra à François Hollande, s’il est élu, de réfléchir à la situation et de prendre en compte cette nécessité pour le pays. S’il en reste à la gauche classique et à son programme, je serai un opposant, dans une opposition vigilante et constructive. Il faudra une opposition constructive, mais déterminée, quand il s’agira d’empêcher les erreurs annoncées."

 

Nulle volonté de "voter pour le gagnant", comme j'ai pu entendre certains éminents journalistes politiques le faire, encore moins le désir de quémander tel ou tel poste dans un futur gouvernement socialiste. François Bayrou n'est pas devenu de gauche, pas plus qu'il n'était auparavant de droite, malgré les certitudes des Messieurs-je-sais-tout (les mêmes qui avaient prédit qu'il basculerait à gauche etc.) Mais son positionnement sera-t-il compris ainsi, a-t-il même été entendu une fois que les mots "vote Hollande" étaient prononcés ?...

 

Je conserve tout mon soutien à François Bayrou, mais c'est avec une certaine inquiétude que je regarde vers l'horizon du centre. Je crois que François B. pense encore que Hollande va être sensible à sa position et qu'il va infléchir sa politique. Mais, même si j'espère me tromper et montrer ainsi que j'étais plus pessimiste que lui, je crois qu'il fait erreur. François Hollande n'a que faire de sa parole et, quand bien même les circonstances devraient l'amener (et elles l'y amèneront obligatoirement) à suivre finalement sans l'avouer une politique plus proche de celle de Bayrou, l'arrogance qui monte ne présage rien de bon.

 

J'ai longuement envisagé l'hypothèse de me prononcer pour François Hollande, moi qui ai commencé ma carrière d'électeur en soutenant l'idéal de François Mitterrand : malgré tout le mal qu'on a pu dire de ce dernier, j'y étais et j'y reste très attaché, pour l'homme d'état qu'il représentait, digne représentant de notre pays à travers le Monde, pour l'immense culture qui était la sienne, pour l'abolition de la peine de mort qu'il a fait voter, pour son action en Europe. J'aimais beaucoup et j'aime encore ce qu'a représenté pour moi "Fainch Mit' ", comme on disait chez moi. J'ai voté pour Jospin, j'ai âprement désiré que Jacques Delors se présente aux Présidentielles, ne comprenant que fort longtemps après que, si j'avais été si déçu au fond de moi de son renoncement, c'est que, finalement, il était très proche des valeurs que défendait déjà en partie François Bayrou, que je ne connaissais pas alors.

 

Tout devrait donc me conduire à voter Hollande. Mais non, je ne le ferai pas. Je ne le peux pas. Le 6 mai, je voterai blanc et c'est un choix difficile, pour moi qui suis attaché à l'expression démocratique dans les urnes et n'ai jamais voté ainsi auparavant. François Bayrou dit "Je ne veux pas voter blanc. Cela serait de l’indécision. Dans ces circonstances, l’indécision est impossible." Là, non François, je ne suis pas d'accord : on ne peut pas avoir défendu l'idée que "les bulletins blancs seront pris en compte dans le calcul des suffrages exprimés"  dans le projet de moralisation de la vie publique et parler maintenant d'indécision, ce n'est pas possible. Le vote blanc n'est pas de l'indécision, François, quand aucun des autres choix qui nous sont proposés n'est responsable : à l'humainement irresponsable de Sarkozy répond l'économiquement irresponsable de Hollande.

Je voterai donc blanc parce que, se prononcer pour Hollande, ce serait cautionner sa politique économique désastreuse. Je voterai blanc parce que voter Hollande, ce serait accepter docilement qu'il reprenne à son compte nombre d'idées de François B. en se les appropriant tranquillement (la moralisation de la vie publique, justement). Je voterai blanc en dépit des consignes de vote du FN. Ici et là, j'entends dire qu'il n'est pas sain de voter blanc alors que Le Pen a demandé à ses électeurs de voter blanc également. Je n'ai que faire des consignes de Le Pen. Comme le disait la chanson des Béruriers Noirs : la jeunesse emmerde le Front National.

 

 

Le Front National n'a pas le monopole des valeurs prétendument défendues par Jeanne d'Arc, le Front National n'a pas le monopole des valeurs portées par le drapeau tricolore, il ne rend pas tabou ou impur un thème ou un sujet à partir du moment où il a décidé de se l'approprier. De la même façon, Le Front National n'a pas le monopole de la signification et de la portée du vote blanc. Dire l'inverse reviendrait à courber l'échine, à s'incliner et à céder face aux idées de ce parti extrêmiste, à indiquer que c'est lui qui mène la danse, ce que je ne ferai jamais : j'emmerde le Front National.

 

Le dimanche 6 mai, je voterai donc blanc, en mon âme et conscience, comme le dit la formule (stupide , creuse et passe-partout, soit dit en passant, tout comme dans le secret de l'isoloir...) Je ne souhaite pas être partiellement responsable de la débâcle qu'entraînerait l'application réelle de l'intenable programme socialiste. Je souhaite encore moins contribuer partiellement à un vote massif en faveur de Hollande, qui entraînerait une poussée d'arrogance déjà régulièrement perceptible en lui donnant ainsi carte blanche pour appliquer son programme irresponsable. Je veux observer les désillusions inévitables et la gueule de bois qui va toucher notre pays sans m'en sentir aucunement coupable politiquement. Et par dessus tout, quitte à être plus bayrouiste que François Bayrou lui-même, quitte à être le membre d'un clan qui s'étiole progressivement, je souhaite l'existence d'un vrai centre dans notre pays, un pôle indépendant, épris d'humanisme et de liberté. C'est la seule voie en laquelle je crois.

P.S. : "to leave the ballot blank" est, sauf erreur de ma part, l'expression anglaise qui signifie "voter blanc". A moins que je n'abandonne l'idée d'ici là, j'en reparlerai dimanche, sur ma page FaceBook.
Voter blanc = voter Hollande, disent les uns. Voter blanc = voter Sarkozy, disent les autres. Ces gens-là devraient réaliser que, vous aurez beau tourner et retourner un bulletin blanc, vous finirez pas prendre conscience qu'il n'y a strictement rien écrit dessus, pas même à l'encre (in)dé(lé)bile... Quoique, mon bulletin ne sera peut-être pas aussi blanc que cela  :)


Post-Scriptum du 6 mai :

  

DSCN3257

 

Texte qui a accompagné ma photo sur ma page FaceBook :

"Tout cela ne fait pas très sérieux ? Hum, récapitulons, cela me semble nécessaire !

En ce dimanche électoral, j'aurais pu, c'est vrai, rouler 15 kilomètres, prendre une petite enveloppe bleue et la glisser, totalement vide, dans une urne, puis reprendre ma voiture et reparcourir 15 km dans le sens inverse. Mais avouons que, si un extra-terrestre m'observait alors depuis le tréfonds de l'espace, nous imaginons l'air circonspect qui agiterait alors ses yeux plus ou moins globuleux : il aurait de quoi réunir une cellule de crise planétaire pour débattre des motivations d'un tel geste surréaliste et mystérieux.

Aujourd'hui, dans le petit pays hexagonal de notre brave planète, le vote blanc n'est toujours pas reconnu alors que, je n'en doute pas, il sera examiné en détail pour la première fois ce soir sur l'ensemble des chaînes télévisées et par l'ensemble des "commentateurs politiques". Ne pas tenir compte d'un vote exprimé, qui montre le refus du seul choix qui nous soit offert, est selon moi une très mauvaise blague faite aux électeurs. J'ai donc préféré tenter d'en faire une bonne. Mon bulletin sera déclaré nul ? Non, c'est le système électoral actuel qui l'est. Reconnaissons le vote blanc !

Post-Scriptum aux non anglophones : "Clint Eastwood lui-même voterait blanc". Make my day !"

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Commentaires
P
Entierement d'accord avec vous. Les convictions ne sont pas a geometrie variable. Quand on a debattu et combattu des idees, on n'en change pas quand le vent tourne. Neanmoins je peux comprendre que les leaders qui font de la politique leur metier puissent quelquefois etre obliges de mettre de l'eau dans leur vin. Mais en tant que citoyen lambda, tout revirement est une faiblesse. Moi aussi je vote blanc, et personne ne pourra me demontrer que cela profite a Sarko
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