L'Urne à Roulettes

Je n'avais jusque là jamais assisté de ma vie à un seul Conseil Municipal. A l'occasion d'un "séminaire de formation" qui s'est déroulé il y a quelques mois à Gimont dans le Gers à destination des "jeunes MoDem", j'avais cru comprendre que ce n'était pas en soi le trip le plus trépidant ni exaltant qui existe. Je n'avais donc pas d'attente énorme en me rendant ce soir au premier conseil municipal de Nérac, mais je n'imaginais tout de même pas que j'en ferais le compte-rendu sur mon blog avant même qu'il soit terminé. Car je dois avouer que j'ai honteusement déserté le front 1h15 après le déclenchement des hostilités. Ceci dit, j'ai tenu pour ma part 35' de plus que les six membres de l'opposition, qui se sont carapatés dès 21h10 en direction du bistrot du coin (assez fûtés, sur ce coup-là, en fait, bien vu), en avançant un "déni de démocratie" sur un sujet auquel j'ai pas tout saisi.

Mais bon, ils avaient vu le coup venir, forcément (c'est ça l'expérience !) Parce que sitôt leur départ, allez hop, c'était parti pour les votes, façon tirage des prix à la kermesse. A propos des "délégués à la Communauté des Communes", si j'ai bien compris. Pourquoi pas, il faut bien qu'on les nomme d'une manière ou d'une autre, tous ces gens-là. Mais quand on vote aux Montreurs d'Images, on a l'air d'enfants de choeur à côté. Attention, pas de vote à main levée en deux temps trois mouvements pour plier l'affaire en trois minutes. Tut tut tut tut tut, que nenni ! Là, mon Code Electoral rouge est remisé dans l'armoire pour un petit moment, mais il doit en exister un équivalent, jaune, vert ou bleu pailleté pour toutes les procédures des Conseils Municipaux. La main levée, c'est bon pour les plaisantins et les rigolos. Ici, vote à bulletin secret obligatoire, avec passage dans l'isoloir à la file indienne. Déjà, une fois la blague, ça prend 7 à 8' le temps que tous les conseillers soient nommés, dans l'ordre forcément, qu'ils prennent un papelard et écrivent le nom de celui qui est censé siéger dans le truc, qu'ils fassent mine de tirer le rideau de l'isoloir en tôle, ressortent, mettent le bulletin dans l'urne, signent une paperasse et tout. Mais imaginez : ce n'était pas UN vote qui devait être organisé, mais pas moins de... VINGT !!

23 conseillers (M. Chazallon et son équipe s'étant éclipsés en douce, fûtés je vous dis !), donc 460 morceaux de papier à sortir de l'urne, à déplier et à vérifier, avec un suspense égal à zéro. J'ai fait les comptes, vous pensez bien (en même temps, il n'y avait que ça à faire, aussi...) L'horreur intégrale. Au bout du 2e vote, l'équipe municipale a bricolé une astuce en essayant de tordre au mieux la loi. Il était interdit de voter pour la bande de 20 d'un coup et de voter en levant la main, mais on pouvait faire passer l'urne pour éviter de se rendre dans l'isoloir. Apparaît donc le stratagème de l'urne sur roulettes pour faire le tour de l'assemblée. Les deux pauvres journalistes dépêchés sur place pour faire le compte-rendu de la réunion en étaient pour leurs frais. Comment pondre un article sur une urne tournante, voilà une astuce qu'on n'apprend pas dans les écoles journalistiques. Oh, certes, il y avait encore 4 ou 5 autres points à évoquer dans "l'ordre du jour", mais j'ai rendu les armes à 21h45, au bout du 6e vote seulement. Il y en avait encore 14 après, mais je sentais l'agonie pointer et la déprime monter à force de regarder les roues de l'urne à roulettes tourner, à force de la voir se vider et se remplir de nouveau, comme une anorexique qui se fait vomir après une ventrée. J'ai craint la nausée, le trop-plein, je me suis débiné en loucedé, le plus discrétos possible... La nouvelle municipalité excusera mon impudence, je tâcherai de faire mieux la prochaine fois, mais là, désolé, je me suis ennuyé comme un rat mort...